À défaut de pouvoir se détériorer, mes rapports s’étaient considérablement distendus avec ma famille. Or, cet été-là, ma cousine se mariait. J’allais donc revenir à Saint-Fourneau. Et les revoir. Tous. Enfin, ceux qui restaient. Mais soyons honnête, le problème n’était pas là. Exceptionnel peintre d’atmosphère et jongleur de non-dits, Vincent Almendros a décidément l’art de créer des atmosphères si lourdes et oppressantes qu’on dirait des prisons à ciel ouvert et de mener, sans coupables ni victimes apparents, sans résolutions non plus, de véritables intrigues policières. Tout cela écrit dans une langue parfaite, faussement laconique, et dont même l’apparente simplicité est piégeuse. On a compris que cet écrivain fait mouche, une fois encore, et qu’il faut sans tarder savourer, sur une famille en décomposition, son roman noir au goût acide de vin de noix et de feuilles pourrissantes. On le conseille même aux estomacs fragiles. (Jérôme Garcin, L’Obs) Qu’est-ce que le narrateur a vécu dans ce quart-monde rural d’où il s’est enfui ? Que se déroule-t-il encore aujourd’hui dans le silence lourd des fermes isolées ? Quel drame va être provoqué par le retour d’un ancien habitant devenu citadin ? Alors que le lecteur est assailli par une foule de questions disparates, Almendros tisse sa toile et construit un texte où chaque petit rien compte. On découvre souvent après coup l’importance de minuscules détails semés au fil des pages. Cet art de la précision, allié au trouble de la situation et à un humour morbide, est ce qui séduit le plus chez Vincent Almendros, mais pas seulement. Dans cet enfer familial où on mange de la langue de bœuf au déjeuner, le romancier brasse des sujets assez profonds pour l’empêcher de tomber dans un pur et vain exercice de style. Sa description d’une ruralité à l’abandon est très juste, et le passage d’un milieu social à un autre, les difficultés qu’un tel arrachement suppose, prennent ici une coloration noire et presque désespérée. (Sylvie Tanette, Les Inrockuptibles)