« Jean Echenoz construit l’une des entreprises littéraires les plus originales et les plus fécondes du roman français d’aujourd’hui : la subversion du roman par déstabilisation douce.En surface, tout semble calme, ou presque. L’Équipée malaise raconte les aventures drolatiques de deux hommes, Jean-François et Charles, que leur amour déçu pour une même femme va conduire l’un dans une plantation d’hévéas en Malaisie, l’autre parmi les clochards de Paris. Ils se retrouveront bien des années plus tard, embringués sans trop y croire dans un complot minable, avec trafiquants d’armes, indigènes sournois, rafiot de contrebande et mutins d’opérette. Du romanesque de carton-pâte, avec des acteurs qui jouent systématiquement à côté de leur rôle.Mais tout, précisément, dans ce livre, se joue à côté, avec ce tout petit décalage qui fait que rien jamais ne colle, sans qu’on puisse dire précisément à quel moment, dans quelle marge, se sont produits les gauchissements, quand on a décroché de la réalité – de ce qu’on nomme réalité dans les romans – pour se retrouver dans une sorte de no man’s land où rien ne va plus, où les vêtements sont trop petits ou trop grands, où les images ne correspondent pas aux paroles qui les accompagnent, où les conséquences et les causes qui devraient les produire ne s’enchaînent pas vraiment. » (Pierre Lepape, Le Monde)