Le livre prend acte d’un concept fondamental dans les sciences sociales : la vulnérabilité. Il critique l’usage que le sociologue Ulrich Beck fait de cette vulnérabilité en l’associant à une perte de contrôle des démocraties occidentales sur leur destin : les scientifiques ne maîtrisent plus les effets de leurs découvertes, les politiques sont aux mains de technostructures, les nouvelles formes de catastrophes (nucléaires par exemple) ont des effets à très longs termes et irréversibles. En insistant sur la question de la maîtrise, Beck reste dépendant du vieux modèle de société masculiniste (le contrôle qui serait malheureusement perdu) et reste sourd à la question sociale, au fait que toute une partie des individus sur terre n’a jamais eu le luxe de se poser le problème de la maîtrise perdue. Pour Joan Tronto, au contraire, la vulnérabilité ne doit pas être réduite à cette définition de la modernité ; elle doit servir à réaffirmer l’urgence de la question sociale, la nécessité de « prendre soin » des précaires et des exclus du monde néolibéral. Ceci suppose une autre politique. Il est nécessaire de repenser des États sociaux contre les déplorations de la perte de maîtrise sur le monde, ces dernières pouvant être comprises comme un symptôme ultime de la perte de puissance des anciennes puissances coloniales sur le monde.