Il n’y a probablement de pensée solide − comme d’ailleurs d’œuvre solide quel qu’en soit le genre, s’agît-il de comédie ou d’opéra-bouffe – que dans le registre de l’impitoyable et du désespoir (désespoir par quoi je n’entends pas une disposition d’esprit portée à la mélancolie, tant s’en faut, mais une disposition réfractaire absolument à tout ce qui ressemble à de l’espoir ou de l’attente). Tout ce qui vise à atténuer la cruauté de la vérité, à atténuer les aspérités du réel, a pour conséquence immanquable de discréditer la plus géniale des entreprises comme la plus estimable des causes. Réfléchissant sur cette question, je me suis demandé si on pouvait mettre en évidence un certain nombre de principes régissant cette « éthique de la cruauté », – éthique dont le respect ou l’irrespect qualifie ou disqualifie à mes yeux toute œuvre philosophique. Et il m’a semblé que ceux-ci pouvaient se résumer en deux principes simples, que j’appelle « principe de réalité suffisante » et « principe d’incertitude ». Le Principe de cruauté est paru en 1988.