Son visage exprime une ferme résolution. Ses gestes sont brefs et précis. Sa main ne tremble pas. Il joue pourtant sa vie dans cette affaire. Il est écrivain et, ce soir, il se propose d'écrire son autobiographie. Sur sa table se trouve rassemblé tout le matériel nécessaire, du papier, un crayon, une gomme, un hérisson. Qui n'a rien à faire là, ce dernier, vous avez raison. Dont la présence incongrue est même un vrai mystère. Mais l'effet de surprise s'estompe vite. Place à la colère. Ce hérisson naïf et globuleux est une calamité. Si doué soit-il lui-même pour l'introspection vicieuse et le repli sur soi compulsif, il contrarie grandement et déroute l'ambitieux projet autobiographique de l'écrivain. D'où sort-il, ce nuisible animal, renifleur, bruyant, hirsute, insaisissable, que cherche-t-il ici ? Que me veut-il ?« Du hérisson est bien sûr impossible à résumer : autant mettre Michaux en fiche ou Beckett en équation. L'animal y sert de contrainte et de miroir, fil directeur posé sur un bureau et mystère qui offre sa poésie, ses métaphores ou ses accrocs au livre en train de se faire.Du hérisson est une boîte à outils, un art poétique où l'on trouve de tout et même quelques armes cachées pour assommer les médiocres alentour. C'est aussi un coffre à bijoux, à jouets : on y découvre une peluche qui pique et pas mal de petits joyaux. Magie de Chevillard, qui transforme en émotion le sarcasme, sans qu'on y prenne toujours garde. Un si bon génie méritait vraiment qu'on aille s'y frotter. » (Fabrice Gabriel, Les Inrockuptibles)