Entre 1894 et 1898, le jeune Emile Dussaulx, officier affecté au Soudan Français, tient avec constance un journal qu'il expédie à sa famille sous forme de lettres. C'est un témoignage de première main sur la conquête de l'Afrique, à un moment où les puissances européennes pénètrent l'intérieur du continent et y mettent en place les structures de l'administration coloniale.
Emile Dussaulx porte un regard libre et incisif sur ce qu'il découvre. Le Journal du Soudan a en effet peu à voir avec les mémoires épurés et reconstruits que de nombreux coloniaux illustres firent paraître à l'époque. Œuvre d'un officier inconnu écrivant jour après jour aux siens, sans souci de publication, il laisse percer une sincérité et une spontanéité inhabituelles. Dussaulx évoque aussi bien son travail d'administrateur que son activité militaire. On voit s'animer tous ceux qui l'environnent : ses tirailleurs, ses « épouses » et ses domestiques, ses administrés, appréhendés selon les catégories d'un XIXe siècle finissant qui ne doute ni de l'infériorité des Noirs ni du bien-fondé de la« mission civilisatrice ». On y voit aussi, exprimées sans fard, les. souffrances liées à l'éloignement et à l'isolement.
Ce journal, redécouvert récemment dans des archives familiales, est un document exceptionnel par son genre, son ampleur, sa continuité. Il est ici, présenté avec fidélité, accompagné de notes et d'une préface qui doivent faciliter sa découverte, sans détruire l'impression qu'on peut avoir d'être en train de lire par dessus l'épaule d'Emile Dussaulx,