Ce second volume du premier tome de la réédition des Oeuvres de Charles De Koninck contient à la fois son tout premier texte de Philosophie de la nature et des sciences, à savoir sa thèse sur Eddington, et ses dernières publications dans le domaine. Cette heureuse juxtaposition de deux pôles dans le temps, pour ainsi dire, démontre à quel degré sa pensée s'est avérée mûre dès le début et constante par la suite. Son estime pour l'apport considérable, même sur le plan philosophique, de grands savants du XXe siècle, tels Eddington lui-même, Georges Lemaître dont il fut un élève à Louvain, Einstein, Heisenberg, Schrödinger, Niels Bohr, Louis de Broglie, Henri Poincaré, Paul Dirac, Herman Weyl et bien d'autres ne s'est jamais démentie. Elle explique en partie son rejet tout aussi entier d'une certaine scolastique refermée sur elle-même, comme le montre notamment, dès sa thèse, sa critique du manuel de J. Gredt, très influent à l'époque. Elle va de pair avec, en contrepartie, sa critique du réductionnisme sommaire de scientifiques (ou de philosophes) de seconde zone mais médiatisés en grande pompe, qu'illustrent le dernier texte du premier volume, L'Univers creux, et, de manière plus approfondie, le long essai qu'on pourra lire ici même, Abstraction de la matière.C'est ce qu'a fort bien perçu Yves Larochelle, physicien et philosophe lui-même, et maître d'oeuvre de ce second volume comme du premier, tant dans sa solide présentation que dans le travail de traduction et d'annotation qu'il s'est imposé et dont il faut lui être spécialement reconnaissant. Il n'est pas exagéré de penser que ses notes à la traduction d'Abstraction from Matter, par exemple, donnent une valeur accrue à ce texte pour le lecteur contemporain. Il faut remercier également Xavier Alvarez de l'avoir si habilement secondé dans la traduction, sans oublier la part de Bénédicte Echivard.Il est permis d'espérer que ces textes tombent entre les mains de lectrices et de lecteurs qui sauront tirer profit de toutes les richesses qu'ils recèlent. Peut-être même certains d'entre ces derniers pourront-ils faire progresser davantage une philosophie de la nature qui se tient aussi près des sciences que celle qu'on voit à l'oeuvre dans ces deux volumes. Ils répondront ainsi à un besoin criant. Les retombées sur des domaines aussi distants en apparence que la métaphysique et l'éthique, en particulier la bioéthique, seront inappréciables. En ce que Shakespeare appel « le livre infini de la nature », Nature's infinite book of secrecy (Antony and Cleopatra, 1.2.10), se révélera toujours plus digne d'émerveillement.Thomas De Koninck