« Ma vie aurait sans doute changé du tout au tout si un jour, ou plutôt une nuit, presque un matin, j’avais osé parler... Raconter... Mais je me suis tu. Je n’ai rien dit.
J’ai laissé le silence s’interpréter... Et elle est partie... Sans comprendre... Ma vie s’en est trouvée désertée.Bien entendu, je l’ai remplie comme je l’ai pu... Plutôt bien somme toute puisqu’il m’en est resté trois merveilleux enfants et que j’y ai été parfaitement heureux... Il n’empêche...
Et puis, trente années plus tard, un autre jour ou plutôt une autre nuit, presque un autre matin, j’ai osé parler... Je ne me suis plus tu... J’ai mis des mots sur le silence... Et elle est restée... Pour ensoleiller tout ce qui reste de ma vie...
Voilà pourquoi, en définitive, ce livre pour aider à se raconter, c’est à elle que je veux le dédier... Parce que je me suis tu il y trente ans... Et que cela, jamais, jamais, je ne me le suis pardonné. »
EXTRAIT
En descendant très loin, bien en dessous de la ligne de flottaison que constitue le quotidien quand il se raconte au jour le jour, on atteint un socle bas sous les souvenirs, émotions ou sentiments où on ressent, directement et sans langage, une chaleur vitale. On pourrait s’évanouir de froid si elle s’absentait. La glace tue. Et certains meurent de grelotter. Ils vivent au jour le jour une quotidienneté désenchantée qui ne se raconte plus, ou à peine, quand elle s’évoque à coups de commentaires désabusés sur le temps, pas le temps passé bien sûr, pas le temps intériorisé bien entendu, le temps qu’il fait, actuel, extérieur à soi. Beau, mauvais, ensoleillé, pluvieux, trop chaud, trop froid… Paroles de coiffeur, juste bonnes à couper les cheveux, en quatre ou à moitié.