« Là où je vis, le balcon ouvre sur les quais. J’entrevois des fragments de fleuve comme des morceaux de réglisse entre les hangars. Les nuits d’été font lever des odeurs de vase. Je peux dire que je dors dans le lit de la Garonne. On se parle peu, on cherche le sommeil dans les mêmes roulis, on partage le songe anxieux des marées. On se raconte nos belles sirènes d’autrefois... Les grands fleuves fécondent les rives, fondent les villes, nourrissent les riverains, et parfois les noient. Ils favorisent les échanges commerciaux et ils fournissent du rêve à façon. Être né de la lèvre d’un fleuve ou d’une rivière, c’est tomber d’un livre, c’est venir au monde avec la prescience de vérités qu’ignoreront toujours les enfants des contrées arides. C’est être confié, dès le berceau, à l’université des embruns où enseigne le vieil Héraclite. »