A la fin de 1960, Ahmed Ben Salah est nommé secrétaire d’Etat au Plan. Quelques mois plus tard paraissent les Perspectives décennales de développement. Ce texte allait droit à l’essentiel : « Le but premier de fonctionnement de toute économie est la lutte contre la rareté des ressources en vue de la satisfaction des besoins – au moins des besoins fondamentaux – de l’homme. Si un système économique – quel qu’il soit – n’arrive pas à atteindre ce but, à remplir cette fonction, il doit être changé. » C’était la condamnation du capitalisme tel qu’il s’était concrétisé en Tunisie, c’est-à-dire la colonisation économique, même après l’indépendance politique. Suivait le projet : « Par-delà la consolidation des libertés politiques et à travers même la restauration de la liberté humaine et de la justice sociale, l’objectif de la planification est donc la promotion de l’homme, la défense de ses libertés concrètes, en un mot, l’humanisation de la société. » Ministre du Plan, des Finances et de l’Economie nationale de 1961 à 1969, Ahmed Ben Salah tente d’impulser la politique qu’il préconisait dans ses écrits. Pari impossible ? Illusion réformiste ? Le 25 mai 1970, il est condamné à dix ans de travaux forcés pour « haute trahison » et, en juin 1973, à cinq années et demie supplémentaires pour évasion. Marc Nerfin, ami et partisan, s’explique avec Ben Salah, il explique le « cas Ben Salah ».