Si la langue française était incarnée dans une dame - éternellement jeune, jolie, bien sûr, mais un peu clocharde - que raconterait-elle de sa vie à l’homme qui la rencontrerait ? Jean Duché, justement, l’a rencontrée et indiscrètement nous rapporte ses propos. Bergère légère dans les XIIe et XIIIe siècles, le pédantisme des clercs et une importation massive de mots étrangers la pervertit du XIVe au XVIe. Vient le temps de la monarchie absolue, de l’École des Femmes et de l’immense prestige de Paris. Le Roi-Soleil transforme la paysanne en souveraine, avec un règne marqué par des chefs-d’œuvre tels qu’on peut la croire définitivement fixée. Tous les étrangers “de qualité”, la connaissent et ont recours à elle (mais pas tous les Français !). Pourtant elle change encore. Passés les bouleversements éphémères de la Révolution et de l’Empire, Madame Sans-Gêne se transforme en une rêveuse bourgeoise ; et celle-ci, dans toutes les provinces, laissant au peuple les dialectes, parle français. Le XXe siècle met à son service la presse, la radio, la télévision, les transports... Mais qui est la belle clocharde avec laquelle Jean Duché s’est promené quai Conti ? C’est la dernière révélation qu’elle lui fera, expliquant du même coup son éclat personnel et la pauvreté de ses habits. Retrouvant le ton qui avait fait l’immense succès de l’Histoire de France racontée à Juliette, Jean Duché a mis une plume spirituelle au service d’une érudition étourdissante.