Entre structuralisme et ethnologie le choix est aujourd’hui posé dans toute son acuité. L’ethnologie ne peut sortir de la crise dans laquelle elle se détruit qu’en se libérant des hypothèques idéologiques qui l’ont détournée de sa tâche naturelle, la compréhension des matériaux de l’ethnographie ; elle se trouve alors en opposition diamétrale au « structuralisme » de Lévi-Strauss, par lequel s’achève un processus déclenché depuis plus d’un demi-siècle, visant à bannir les recherches explicatives. Pour l’analyse structurale, s’exerçant nécessairement sur des faits incompris, qu’elle figera dans ses systématisations, le manque de sens représente à la fois la condition et la réalisation de son projet. Science du non-savoir, elle est la négation d’une ethnologie conçue comme engagement à connaître sa matière. Il va de soi que des comportements, des rites et des mythes dénués de signification ne peuvent que renvoyer à des êtres privés de subjectivité, et que cela entraîne le rejet des sciences humaines. Ainsi le structuralisme révèle sa connivence avec la société technocratique, réifiante et réifiée, dont il projette les reflets sur le plan culturel. Il partage avec elle le mépris du sujet, qu’il dépouille de son expérience, de son histoire, de son initiative, de sa liberté. Une ethnologie cognitive, tendant à la saisie dialectique de la réalité sociale, passe donc obligatoirement par la critique radicale du « structuralisme » de Lévi-Strauss et de ses disciples, sur le terrain qu’ils ont élu. La fin d’une parade idéologique où se révèlent par l’absurde les errements et les impostures de l’anthropologie dominante au XXe siècle devrait rendre cette discipline à sa vocation de science de l’homme.