A mi-chemin de Woody Allen et du Monsieur Lambert de Sempé, il existe une race écrasée de petits hommes hypocondriaques, mal aimés, indestructibles et tout à fait piétinés par leurs semblables dont le destin pitoyable et la trajectoire comique — à force de fatalité — permettent de penser que celui qui est maniaque et dépressif, s’il est par surcroît brimé par son patron, harcelé par son éditeur, empêtré dans les conseils de son analyste et annihilé par les attentions maladroites de ses enfants, peut se raccrocher à la bouée d’un dernier espoir, et recourir à cette ressource ultime : celle de l’humour noir — ce grincement des opprimés, ce rire sous cape des faibles, cette force terrassante de ceux qui sont des nains chez eux. Ainsi se déploie le talent de Georges Kolebka lorsqu’il nous dépeint, avec la subtilité qu’on lui connaît, les affres de cinq personnages livrés à la solitude et la peur de vieillir. Ainsi triomphe sur le terreau des situations cocasses, sur le désenchantement des jours médiocres, la greffe de l’humour noir des Juifs de l’Est. Et il est peu de Kolebka des bords de Seine qui sachent mieux doser au fond de la tisane de leurs histoires mélancoliques l’herbe d’un pansement de rire sur une source de larmes.