Il est curieux de voir comment évolue la mentalité des peuples. Nous le devons sans doute au cinéma où, dès avant-guerre, on nous racontait la vie d’espions et d’espionnes célèbres, telles que Marthe Richard. Jadis, le substantif « espion » avait un sens péjoratif. C’était l’être sournois, hypocrite, qui abusait de la confiance de ceux qui le recevaient pour leur dérober des plans ou des documents et ébrécher leur sécurité. Depuis nous avons vu que le métier d’agent secret, — si tant est qu’on puisse appeler cela un métier, — comporte sa part de noblesse, d’abnégation et demande surtout beaucoup de sang-froid et de courage. Malheureusement, le Service est exigeant et il faut parfois se résoudre à commettre des actes pas très jolis et pas très humains. Le Service au-dessus de tout, au-dessus même de sa vie. Tout cela ne va évidemment pas sans mystère, sans bagarres et sans angoisse. La vie des agents secrets est une rude vie. Imaginez un homme qui passe, une nuit d’hiver, dans une rue sinistre. Il pleut, ce soir, sur le monde entier et dans le silence accablant on n’entend que le suintement de la pluie. Un instant l’homme passe sous la lumière sale d’un réverbère, puis il s’enfonce à nouveau dans la nuit dont il est issu. Nul ne sait d’où il vient, ni où il va. Sa présence n’a duré qu’une infime parcelle de temps. Et cependant, à cause de cette présence, quelqu’un, à côté, est en train de mourir, cependant qu’à l’autre bout du monde, une nation s’effondre, brusquement…