« Entre le retour du fanatisme religieux et la molle dictature des bureaucraties d’État, la raison critique aurait-elle capitulé ? Le citoyen-Dieu, bercé par les flonflons du bicentenaire de la Révolution, laissera-t-il célébrer son propre culte jusqu’au sacrifice final ? Des soubresauts de l’Islam à l’Évangile mondial des droits de l’Homme, l’urgente nécessité de revenir sur l’autonomie dont bénéficie le théologique se fait sentir. Pouvons-nous continuer de vivre à l’abri de la pseudo-frontière séparant la raison du fabuleux ? Parce qu’il croit à la survie de la raison, Manuel de Diéguez souhaite en finir avec le "théologique pur", cher à Carl Schmitt, pour s’engager, courageusement, dans une analyse critique des distinctions artificielles établies par les historiens entre le religieux et le politique. Il pose ainsi les fondements de ce qui pourrait être une authentique "science des religions". Depuis Voltaire, la raison n’en finit pas de tourner autour du sacré. Elle ne parvient pourtant pas à formuler les principes d’une pensée rendant compte de ces structures mythiques et de l’espèce d’hommes qui les ont forgées. Manuel de Diéguez s’efforce de prendre la mesure du génie politique, de l’élévation morale et de la folie féconde des Moïse, Mahomet, Paul et autres Bouddha, dont les songes ont discipliné le genre humain et guidé les premiers pas des nations. Il s’attache à spectrographier la stratégie des symboles qui donne sa logique interne aux constructions théologiques. Il montre combien notre rationalisme officiel, et ses "théories scientifiques", se trouve pénétré par les mythologies. La force de ce texte iconoclaste, blasphématoire même, réside dans la brûlure glacée de sa lucidité. Puissions-nous enfin, avec Manuel de Diéguez, devenir lucides à l’égard de nos premiers pédagogues. » Thierry Pfister