« Mon père m’a souvent reproché d’avoir l’esprit de contradiction », écrit Lysiane Gagnon en présentant ce recueil – ce « bouquet », dit-elle – d’une centaine de ses chroniques publiées au fil des ans dans les pages du quotidien montréalais La Presse. L’esprit de contradiction, c’est-à-dire le besoin, devant chaque idée reçue, chaque opinion trop unanime, chaque « vérité » présentée comme une évidence, d’examiner d’abord par soi-même de quoi il s’agit et de former son propre jugement, en toute liberté, quitte à s’écarter de la position commune et à en heurter certains, mais en tâchant toujours de rester fidèle au devoir de lucidité qui incombe à tout journaliste, à tout lecteur, à tout citoyen digne de ce nom.La qualité d’un bouquet tient à la manière dont la variété et l’unité s’y combinent. Qu’ils abordent de grands thèmes actuels tels que l’essence d’une ville comme Montréal, l’état de la langue au Québec, les rapports hommes-femmes, la place des immigrants, qu’ils s’intéressent au terrorisme et à l’évolution géopolitique internationale, ou qu’ils évoquent quelques grandes figures publiques contemporaines, ces textes sont tous écrits de la même plume alerte, élégante, aussi proche que possible de la conversation amicale, et animés par la même intelligence, le même sens de la mesure, la même conviction. On y trouvera à la fois un tableau de notre temps, parfois ironique, toujours direct et précis, et l’expression d’un esprit soucieux de comprendre et de juger sereinement le monde qui est le sien, qui est le nôtre.Le volume se termine par un long chapitre inédit dans lequel Lysiane Gagnon nous fait entrer dans son atelier et réfléchit aux conditions du métier qu’elle exerce depuis trente ans. Qu’est-ce qu’un columnist ? Qui peut le devenir ? Comment le columnist choisit-il ses sujets, son style ? Comment organise-t-il le temps dont il dispose ? Quels rapports entretient-il avec ses lecteurs, avec ses patrons ? Qu’est-ce, en somme, que l’art de la chronique journalistique ? Comment fait-on, quand on écrit tous les jours ou presque et qu’on est lu par des milliers de gens, pour garder son esprit de contradiction ?