On ne saurait exagérer l’inhumanité des Capitaines à l’égard de leurs esclaves, lorsqu’ils sont pressés de s’en défaire. C’est ce que prouve l’exemple suivant. Un officier Négrier qui avait été chargé de vendre un certain nombre d’esclaves, reconduisait au vaisseau ceux qu’on avait rebutés. Il aperçut parmi eux un Nègre qui avait l’air vigoureux, mais qui ne marchait qu’avec répugnance. Il lui rendit à l’instant sa vivacité à coups de canne. L’esclave tomba. L’Officier le releva, en lui donnant une nouvelle correction. L’esclave n’eut pas fait dix pas qu’il chancela de nouveau. Cette seconde chute étant regardée comme l’effet d’une criminelle opiniâtreté, l’Officier furieux redoubla les coups, et ne cessa que quand il eut vu ce malheureux expirer à ses pieds. L’Européen ordonna froidement aux autres esclaves de traîner leur compatriote au rivage, où sans cérémonie et sans délai il le fit jeter dans la mer. Ce cadavre fut bientôt dévoré par les requins, dont le port était rempli. Ce poisson vorace avait suivi les vaisseaux depuis la côte d’Afrique ; et comme on avait transporté 10 000 esclaves dans cette saison, il fut attiré par la puanteur et constamment nourri par les cadavres qu’on jetait à chaque heure en mer, pendant la traversée.