Le Général nous a quittés voici déjà vingt ans. Et aujourd’hui, comme se lamentent ses fidèles, « sa grande voix nous manque cruellement... » A l’heure où tout le monde se réclame de lui (même ses plus farouches adversaires d’hier), en cette année où la France se noie dans les commémorations pompeuses, les hommages béats et les cérémonies soporifiques à sa mémoire, il est étrange que personne n’ait encore posé la seule question vraiment intéressante : Et lui, le « Grand Charles », que pense-t-il de tout ce cirque ? De quel œil regarde-t-il aujourd’hui ces Français qu’il qualifiait hier de “veaux” ? Comment juge-t-il la chienlit qui agite notre petit monde politique ? De quels mots épingle-t-il ses successeurs à l’Élysée ou tous ces gaullo-maniaques qui se croient ses héritiers ? Quelle voix ferait-il entendre face au chaos qui lézarde l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ? Et bien, c’est fait : IL parle ! « Ici l’ombre... » Du paradis, il nous adresse enfin ce long message que nous espérions tant. Et ce n’est pas triste ! Dans le tableau qu’il brosse de la France en cette fin du XXe siècle, les portraits au vitriol succèdent aux sanglantes vacheries et les coups de gueule aux sourires moqueurs, même si, le plus souvent, l’ironie cache difficilement une bonne grosse tendresse. C’est par la plume de Jean-Michel Royer, gaulliste turbulent et grand pasticheur devant l’Éternel, que le Général nous écrit cette lettre, dans cette prose flamboyante et corrosive qui fut toujours la sienne...