Penser les révolutions... En cette fin du vingtième siècle, l’invitation semble se heurter à une contradiction insurmontable. En effet, tant que la transformation de la société n’est pas accomplie, les idées de ceux qui dominent règnent en maîtresses sur les peuples. Pour que le mouvement populaire s’émancipe de l’ordre ancien, il faudrait paradoxalement que la société ait déjà été transformée par la révolution. Mais cette explosion libératrice n’est possible que si la très grande majorité du peuple en a fait d’abord sa propre affaire. Ce cercle concerne aussi bien les grandes transformations révolutionnaires passées et à venir du monde capitaliste que les efforts de ceux qui veulent aujourd’hui inscrire l’évolution des sociétés socialistes dans le mouvement général de la libération humaine. Ainsi en va-t-il de la « révolution dans la révolution » en Union soviétique, ou de l’exigence démocratique née du socialisme chinois, dramatiquement contenue par la répression de 1989. Les révolutions n’en sont pas pour autant impensables. D’autant plus que dans la pratique, elles se font. Jean-Paul Jouary et Arnaud Spire tracent ici la ligne de front qui clive la référence au marxisme à l’aube du troisième millénaire. L’opposition entre ceux qui utilisent ce label pour conserver l’état de choses existant, et ceux qui veulent aller de l’avant, a atteint un point de non-retour. L’objet de ce livre est précisément de repenser la philosophie marxiste dans les cadres que cette pensée qui ne cesse de devenir monde engendre. Ce faisant, les auteurs ont conscience de réfléchir et de participer à la grande rupture stratégique qui se dessine sur la planète. Une rupture avec les traditions politiques plusieurs fois millénaires de l’utopie et du réalisme et de leur corrélat commun, la délégation de pouvoir.