Le général de Gaulle n’estimait pas beaucoup les « stylographes », mais il dévorait la presse. Le Monde en particulier. Le Monde qu’il avait voulu pour représenter la France. Le Monde que fit Hubert Beuve-Méry, en toute indépendance. Entre le chef d’État pas comme les autres et le quotidien différent des autres se tissent vingt-cinq ans durant — le temps d’une génération — d’étranges liens. « Tout le monde a été, est ou sera gaulliste », a dit André Malraux. Le Monde fut gaulliste, ne le fut plus et le redevint. De Gaulle et Beuve, personnages souvent si semblables, s’insupportent plus souvent encore. « L’hypertrophie du moi » que Beuve reproche à de Gaulle vaut bien le surnom de « Monsieur Faut-que-ça-rate » dont le général affuble le directeur du Monde. Dans ce monologue à deux voix, on croit déceler une sorte de dépit amoureux. Voici l’histoire de deux « institutions » racontée dans un style clair et vivant, et nourrie de nombreux témoignages originaux d’hommes politiques et d’hommes de presse.