Pas d’autre règle du jeu que celle-ci : dix pages environ, consacrées aux figures que vient d’effacer l’année pendant laquelle je me livre à ma thanatique manie. Ce qui commande le contenu de chaque livre, c’est un mélange de choix et de hasard. Je ne prétends pas à l’universel. Et je préfère parler des politiques plutôt que des artistes : l’action est plus ouverte que l’œuvre. Il est clair que mes héros sont des prétextes. Peu me chaut le secret de leur défunt moi. Ce qui m’intéresse en eux, c’est la part publique. Ils sont à nous et nous les avons faits. Ils sont l’époque. À travers eux, nous nous regardons exister. Nous vivons, nous mourons environnés de leur renommée. Il arrive même, et plus souvent qu’on ne le pense, que certains événements de leurs biographies servent à dater les nôtres, qui méritent tout au plus le nom de vie, et que personne n’écrira.