Rien ne nous appartient, ni la vie, ni l’amour, ni même la souffrance. « L’absence de vérité est la seule vérité possible ». Jean-Louis Maunoury lamente un monde sans prise et sans issue, où il assiste à l’émiettement de notre être, toujours « sans fin ni commencement ». Tantôt le poète remonte la chaîne des origines et des causalités pour récupérer quelque chose de son moi perdu ; tantôt il succombe sous un moi étouffant, qui « compte ses os » en proliférant, cherche, interroge et n’a réponse à rien. S’il parvient à saisir l’autre en lui, son double, l’imposteur (et l’image d’autrui peut-être aussi), il le dévore dans un cannibalisme de volupté onirique, non sans lassitude et désespoir. Seule la solitude fait feu dans le néant des présences, des bruits, des couleurs. La régression à l’enfance n’est plus possible. La roue à aubes tournera désormais à l’infini. J’admire cette œuvre à l’écriture neutre, sans fioritures ni images, serrée comme un étau sur les avatars de l’identité et de l’apparence, médusée par la chute de nos pensées et de nos gestes dans l’à quoi bon ? Jean Breton