Nous tenons à fournir quelques indications au lecteur qui va ouvrir ce livre afin qu’il ne se méprenne pas. Contrairement aux apparences, ce n’est pas un dictionnaire, surtout pas ! Il ne s’agit pas de passer en revue les termes essentiels. En effet, loin que les auteurs de ce travail se bornent à des définitions, chacune de leur rubrique ouvre la porte à une discussion tendue sur le pouvoir. Un dictionnaire arrête ou fixe le sens ; ici, on l’inquiète plutôt. Le dictionnaire se garde bien de révéler le drame sous-jacent à chacun des mots qu’il analyse : il rassure. Ici, on pousse à la réflexion, puisque sont mises en relief les divergences, les palinodies et surtout l’aura dialectique qui entoure nos outils d’analyse et de compréhension du social. Le dictionnaire est encore énumératif et exhaustif, tandis que « Les mots du pouvoir » est résolument sélectif : il n’a voulu retenir que l’essentiel. Il a même été jusqu’à ne pas s’arrêter au mot « pouvoir ». Pourquoi ? Sans doute parce qu’il en est question partout, toujours il se niche sous les autres mots, ceux qui entraînent avec eux les pensées comme les réalisations. En sens contraire, les auteurs n’ont pas craint d’élargir la circonférence de leur domaine : ainsi, ils discuteront, entre autres, du « sacré », du « secret » et même de la « corruption », mais ils sauront montrer comment ces éléments, apparemment éloignés, rentrent bien dans leur territoire. Mais si « Les mots du pouvoir » peut se comparer à un ensemble thématique – et il ouvre explicitement des pistes après chacun de ses paragraphes –, il en est aussi éloigné : le premier ne nous apprend rien sur le contenu de ce qu’il range, il se contente d’aligner et de disposer, les uns à la suite des autres, les divers sémantèmes succinctement qualifiés, alors que, dans Les Mots du pouvoir, on apprend à réfléchir sur eux, à entrer profondément en eux, jusqu’à rejoindre leurs racines. François Dagognet (extrait de la préface)