Alfred-Moïse est un jeune garçon à l’âme sensible qui vit au bord d’un lac entre son père, spécialiste des injures homériques, et son oncle, parasite congénital. L’aimable trio coule des jours paisibles quand soudain il est arraché à son train-train de petites fritures par l’intrusion, au milieu de ses cannes à pêche, du Mythe à l’état pur, jaillissant un beau jour hors de l’eau sous forme d’un monstre digne du loch Ness. Ce livre est à l’image de la Bête aquatique : original, plein de vitalité, d’une drôlerie bondissante et tout à fait imprévue. On y fait en outre quelques petites constatations utiles, notamment celle que la poursuite d’un idéal peut mener à la catastrophe, et celle que le Progrès avance comme un rouleau compresseur, réduisant à l’état de galette le malheureux qui se met en travers de sa marche. Ces thèmes ne sont pas neufs. C’est la façon de les traiter qui mérite un salut. Piquanchâgne est une belle prise au tableau de pêche du romancier Gérard Pussey, qui peut poser fièrement pour la photo souvenir, son porte-plume à la main, au côté de ce qu’on doit considérer comme une pièce de concours issue des profondeurs de la vraie grande littérature.