L’aveuglement à l’égard du nazisme a été partagé par une partie de ceux qui en furent tout de suite les victimes désignées : les Juifs. Tel est le thème central d’Une mauvaise histoire juive. En 1942, les parents de Bernard Fride sont arrêtés à Nancy. Ils seront exterminés à Auschwitz. Son jeune frère est recueilli par l’UGIF locale, l’Union générale des Israélites de France, organisme de « bienfaisance » créé par le gouvernement de Vichy. La section nancéenne gérait un asile. Vingt enfants de déportés y seront arrêtés puis, à leur tour, déportés à Auschwitz, dont le jeune frère de Bernard Fride. C’est en tentant de reconstituer les circonstances du drame que Bernard Fride découvre peu à peu la distinction faite entre Juifs français et Juifs étrangers. Pour les premiers, qui se considéraient comme des Français à part entière, les seconds restaient prioritairement des étrangers. Allant plus avant dans son enquête, l’Auteur trouve des origines lointaines à cet ostracisme. Documents à l’appui, il montre que, dès 1933, des notables juifs locaux contrecarrèrent les efforts d’information des antinazis français. Pour ces notables, le régime nazi naissant mettait de « l’ordre » à l’anarchie allemande. Ainsi l’aveuglement de 1942 semble avoir été la suite logique de l’aveuglement de 1933, toujours au nom du respect de l’« ordre ». Les nazis ne s’embarrasseront pas de telles nuances. Des animateurs de l’UGIF seront, eux aussi, déportés en 1944. Quant à Bernard Fride, recueilli par une non-juive, catholique pratiquante, c’est à elle, Georgette Larchet qu’il devra la vie et à qui il dédie Une mauvaise histoire juive.