La poésie de Charles Carrère est intimiste et un tantinet confidentielle. Elle est écrite sous l’abat-jour. Au lieu d’égratigner la page blanche, la plume l’adorne d’une dentelle soignée d’italiques. Pas de cris. Le rythme est celui fervent et triste des déferlements de vague marine, à marée basse et à la vesprée à Gorée. Une légère tristesse empreint les mots. À toutes les extravagances de violon, le poète préfère la mélodie et la barcarolle. Senghor recommande que la lecture de certaines de ses élégies majeures soit accompagnées, soit de kora, soit de balafon, soit de tam-tam. Celle de la poésie de Charles Carrère commande un décor sauvage d’hibiscus écarlates, de bougainvillées jaunes panachées de violet, de lianes grimpantes, de murs moussus comme est composé son « éden » goréen, quand l’alizé tisse à la lumière humide sur la trame de rumeurs de la mer, et qu’un vol de goélands paraphe le couchant.