On peut lire José Millas Martin sur deux plans : la protestation romantique de l’homme « traqué », abusé par une « société qui a tout prévu », même de le régler sur carte perforée ; l’exaltation du comique et de l’humour, qui crée un univers parallèle où respirer redevient possible. Méthode d’écriture : voici tantôt des télégrammes à la construction expéditive — à l’aide du magnétophone, ils ont raflé à l’homme consommateur, sur le zinc, dans la rue, les bribes de phrases qui échappent à sa misère ; tantôt des poèmes en prose plus personnalisés où mal d’enfance, lassitude innée, haine des religions et du garde à vous, illusions de l’amour croisent leurs cris profonds (ici José Millas Martin se révèle l’aîné de Venaille, Biga et autres poètes du Nouveau Réalisme, qui d’ailleurs ne l’ont peut-être jamais lu) ! tantôt une exploitation pure et simple (vraiment sans intervention de l’auteur ?) des prospectus commerciaux, des titres de la presse, des déchets des mass media, des exemples de « l’écriture de secte » — et là le collage façon J.M.M. donne des résultats à la limite, parfois, du supportable. J’ai choisi ces pages dans l’œuvre d’un poète qui m’importe par son langage populaire parlé mais secoué de grandes images, par une qualité de bonté plus forte que l’amertume, par son inventaire rageur mais toujours critique (« Agiter avant de s’en servir ») de la liberté truc qu’on nous alloue. Jean Breton