Tels des cierges plantés sur cet immense cimetière de navires qui va d’Ouessant à la chaussée de Sein, des phares isolés se dressent sur l’Océan. Autour, c’est un bouillonnement perpétuel de tourbillons verdâtres, de gonflements glauques qui crèvent dans un tumulte d’explosions. Les vagues galopent, se cabrent, se chevauchent. Ici, la mer ne connaît pas de repos. La Jument, la Vieille, les Pierres Noires, Ar Men, autant de tours de guet assaillies par les flots. Des hommes, navigateurs à l’ancre, y mènent une vie monacale mais c’est la tempête qui chante les offices. La peur, la folie, la mort tissent parfois la trame de destins tragiques, mais le courage et l’héroïsme brillent aussi en lettres de feu dans ce livre où tout est authentique. Et puis, tels qu’en eux-mêmes, voici d’autres héros : ceux du sauvetage en mer. Des hommes qui répondent sans hésiter à l’appel lugubre du tocsin dans l’ouragan. Leur modestie est à la mesure de leur courage, mais, sur leur tricot de laine bleue, les médailles témoignent des dizaines de vies humaines arrachées à l’Océan. De l’enfer d’Ar Men aux martyrs de Penmarc’h, c’est un beau et grand livre que nous offre ici l’auteur des « Houles d’Islande ». C’est aussi un hommage aux travailleurs de la mer, qui dans les bouillonnements du raz de Sein croient entendre parfois les cloches de la ville d’Ys, à jamais engloutie.