S’agissant de l’Afrique, la tradition se révèle vite un sujet explosif. L’abandon de la tradition signifie-t-il nécessairement la trahison de son origine et de son identité ? À en croire une certaine opinion occidentale, l’Africain aurait avec sa tradition un rapport foncièrement passionnel. Mais, l’Occident ne reste-t-il pas prisonnier de catégories créées par l’« ethnologisme », incapable de se débarrasser de vieux préjugés ne pouvant imaginer les Africains qu’en proie à la fureur des instincts et des mystiques ? L’attitude d’une certaine ethnologie consiste à se pencher sur les peuples autres, non pour les connaître en tant qu’ils sont eux-mêmes, mais pour en contempler l’image hors du temps et de l’espace ; prétendant par-là appréhender à travers les traditions des Africains non pas un moment de leur être, mais de leur essence même, leur vérité intime et définitive. Et pourtant, sans l’historicité, par exemple le paysage que contemple l’ethnologue reste dénué de sens. En réalité, certaines traditions sont en déclin, d’autres au sommet de leur. courbe, d’autres encore en émergence. Dans le monde afro-antillais, en pleine transformation, où sont les constantes et les variables ? Peut-on projeter le passé dans le futur et quel passé, pour quel futur, au nom de quelle différence, c’est-à-dire de quelle « identité » problématique ? Le problème est d’abord pour chacun — individu ou groupe — de définir et de choisir sur quel substrat, c’est-à-dire à partir de quelle identité perçue et retrouvée il construira sa personnalité nouvelle. Une personnalité qui puisse trouver son plein épanouissement et son efficacité à travers les exigences du développement et l’élaboration de la société post-industrielle.