De temps en temps, il faisait part de ses découvertes à son cadet, son fils préféré : — Vois-tu, Friede, il faut écrire pour les instruments monodiques comme tu le ferais pour des instruments polyphoniques, comme tu pourrais écrire pour l’orgue par exemple. — Je comprends. Mais comment concevoir une création aussi complexe ? — Imagine des personnes qui conversent entre elles. Chaque voix est un paysage, chaque voix a sa douleur, sa tonalité, mais le sujet de conversation est commun. Jean Sébastien s’assit au clavecin. Il frappa une note, l’écouta, frappa différemment et observa son fils : — Tu es si doué, mon cher Friede, lui dit-il, encore plus que tes frères et sœurs. — Père, je le suis bien moins que vous ne le croyez. — Je voudrais que tu te familiarises avec un registre de quatre octaves et que, tu lises dans sept clés différentes… — Les trilles, lui dit Jean Sébastien, les enchaînements des accords, les contrepoints tu devrais les travailler comme je le fais, moi, sur table, et non sur le clavier afin de développer ton écoute intérieure… Mais c’est assez d’exercices pour aujourd’hui. J’ai composé cette suite ce matin. Je suis sûr que, grâce à elle, tu pourras développer tes forces. Friede déchiffra rapidement la partition. Il s’émerveilla : — Je n’avais jamais rien entendu de pareil. La polyphonie est suggérée, lui déclara-t-il avec enthousiasme, c’est ce qui en fait la beauté. Jean Sébastien, était heureux. Son fils l’avait entendu. Une suite valait mieux que de longs discours.