Soixante-quatorze ans après sa mort, Feydeau connaît toujours le même succès. Son théâtre a conservé toute sa force comique et l’on constate, à chaque reprise, combien sa fameuse « mécanique » est restée efficace. En avance sur son époque, le temps ne l’a pas encore rattrapé et son humour demeure extraordinairement jeune. Mais Feydeau n’est pas seulement un auteur fêté, il est aussi un spectateur attentif. Rien ne lui échappe sauf, pour notre plaisir, ces « mots » féroces et redoutés. Si on lui en a attribué beaucoup, on lui en a « emprunté » énormément. Il le savait. Au théâtre, à l’entracte, il fait une plaisanterie. C’est de vous, ce mot ? demande un journaliste à l’affût. Plus pour longtemps, répond Feydeau. Beau, séduisant, il affiche une rosserie joyeuse envers le sexe faible : « Il n’y a rien de menteur comme un homme, écrit-il, si ce n’est une femme ». Aussi brillant à la ville qu’à la scène, Feydeau aime s’entourer d’amis de qualité : ce sont Julien et Sacha Guitry, Tristan Bernard, Alfred Capus, Jules Renard et Alphonse Allais. Il a le trait d’esprit foudroyant. À l’enterrement d’un administrateur du Français qu’il n’aimait guère, il soupire : « Il a emporté tous mes regrets. Il ne m’en reste plus ». Feydeau possède un carnet dans lequel il note des pensées telles que celle-ci : « J’ai eu deux femmes légitimes dans ma vie : la mienne et la tienne ». L’esprit en perpétuelle ébullition derrière un masque impassible, travailleur acharné travesti en paresseux nonchalant, Feydeau nous laisse le témoignage d’un humour parfois noir mais toujours actuel.