La crise au-delà des fatalités économiques qui lui servent abondamment d’explication, c’est aussi un moment de la lutte capital-travail. Chômeurs, intérimaires et autres hors-statut, toutes ces figures qui s’élargissent avec la crise ont profondément déstabilisé les représentations classiques de la classe ouvrière. On la dit coupée en deux, on lui fait même ses adieux. L’analyse présentée ici des diverses stratégies qu’adopte aujourd’hui le mouvement ouvrier révèle l’ampleur des mutations de l’ordre productif. Retranché dans ses forteresses ouvrières, le mouvement syndical contrôle de moins en moins un nouvel espace productif qui déborde largement le cadre du rapport salarial traditionnel centré sur la branche et l’entreprise. Des expériences syndicales actuelles tentent de prendre en compte cette socialisation élargie de la production dans ces nouvelles configurations que sont le bassin d’emploi ou le site. Elles révèlent alors la difficulté de mobiliser ces travailleurs précaires aux pratiques largement déviantes de la classique conscience professionnelle mais aussi l’opportunité offerte au mouvement ouvrier de ressortir du ghetto corporatiste dans lequel l’avait enfermé le fordisme.