Ce soir-là, comme tous les soirs, il rentra assez tard de son travail. Comme tous les soirs, son geste automatique à la boîte aux lettres, qui, ce soir-là, était vide – Parfait ! se dit-il - puis les six étages, la clef dans la serrure, la porte ouverte et refermée, le coup d’œil sur le répondeur. Le témoin ne clignotait pas, personne n’avait cherché à le joindre. Et c’était bien ainsi. Comme il désirait être tranquille, du moins tenter de l’être, avec soi-même seulement, il débrancha répondeur et téléphone. Ferma sa porte à double tour. Seul il se voulait. Sans liaison avec le monde. Contact néant, fils coupés. N’être qu’un blanc, une absence, un silence. Il décida et ne décida pas. C’était, ce soir-là, une évidence. Il se retrouvait donc face à lui-même, et il alla d’ailleurs se regarder un moment dans la glace de sa salle de bains, ce qui lui était une façon, ce soir, de prendre conscience de l’existence corporelle de ce soi qui, si souvent, tente de s’oublier en de nombreuses occupations ou vains divertissements. Puis il s’allongea sur la moquette du salon, pour sentir l’espace, le plein espace vide autour de lui. Avant d’aller, paisible, se coucher. Le matin s’ouvrait, vaste. Et sans réveille-matin ! Sa décision, en effet, demeurait irrévocable : il n’irait pas travailler.