Les mots abandonnisme et abandonnique se voient aujourd’hui couramment employés par les psychiatres, les psychanalystes et les psychologues cliniciens. Ils évoquent de plus, pour les travailleurs sociaux, une part importante de leur expérience quotidienne. Ce qui n’empêche pas que, en ce domaine, les malentendus conservent une irréductible probabilité. Le jeune abandonnique ne doit pas être confondu avec l’adolescent légalement abandonné, qui peut néanmoins avoir été aimé. L’abandonnisme caractérise, en fait, les attitudes d’un jeune qui a manqué d’affection durant sa petite enfance. Personne ne l’a vraiment aimé et il n’a comblé personne. Il se vit donc comme fondamentalement mauvais. Il manque de repères et ne parvient pas à établir de vraies relations de sujet à objet. L’Autre est traité par lui en tout ou rien ; il est tout puissant ou n’existe pas. L’ouvrage que voici traduit la pratique et la réflexion d’une psychologue dans un service de consultation et d’éducation en milieu ouvert. Son action s’exerce auprès d’une « clientèle » composée principalement d’adolescents manifestant des conduites répétitives d’inadaptation. L’éducateur se donne pour tâche d’aider l’abandonnique à faire le deuil de sa mauvaise mère, à intérioriser des images solides et sécurisantes. Par là le jeune réussira à se construire une identité et une valeur. Depuis que la psychanalyste suisse Germaine Guex s’est attachée à l’étude du « syndrome d’abandon » on a appris à mieux identifier les comportements abandonniques. On parvient aussi à répondre de manière plus satisfaisante à la demande qui s’y exprime. De tout ceci l’auteur croit cependant préférable de conclure plus par une mise en garde que par l’exposé d’une méthode : ne pas donner de soi à l’abandonnique une image de toute puissance et établir avec lui une juste distance, permettant la tolérance aux échecs et la simple bienveillance dans les moments de progression.