Paul l’exerçait depuis longtemps déjà ce bricolage d’alchimiste à la solde des mots. Et pourtant ce matin, était-ce l’effet perturbateur de la pleine lune, il en éprouvait comme du dégoût. – À quoi bon continuer à écrire toutes ces fadaises que personne ne lit, pas même moi, pensa-t-il tout haut, alors qu’il s’apprêtait à débarrasser la table des miettes d’un petit-déjeuner subi plutôt que pris. Cela faisait dix ans qu’il écrivait des soi-disant poèmes. Mais cela avait-il changé quelque chose à sa vie ? D’ici quelques minutes, comme chaque matin, il se retrouvait à la droite de Monsieur Rollin, dans ce bureau insipide et mesquin d’une administration aussi vieille que pesante. Et tout comme Monsieur Rollin, transparent collègue de longue date, il répéterait des gestes absents, ponctués par des allées et venues sans aucune importance. Aujourd’hui, c’était décidé, il mettait un point final à sa pseudo-activité poétique.