Comment, dès son plus jeune âge, presque dès son berceau, un petit garçon perce à jour les contradictions, les incohérences, les secrets intimes et les impostures du milieu parental, comment il en entreprend une impitoyable critique, comme il échafaude un plan pour prendre sa propre destinée en charge, pour préparer sa révolte et sa conquête du pouvoir, comment cette situation de belligérance face à sa famille est accentuée, dramatisée par l’époque et le quartier où les événements se déroulent : l’avant-guerre de 1914 avec son climat social très tendu et le « vieux Paris » du faubourg Saint-Antoine, lieu clos où s’affrontent et s’entremêlent à chaque pas, ouvriers, artisans, petits bourgeois, « apaches » et miséreux dans le contraste des terrains vagues, des masures, des dédales de ruelles sordides et des immeubles neufs. Comment en dépit de ses préventions natives et de la terreur que lui inspirent les menaces et la proximité de ce voisinage d’indigents, l’attrait de la rue agit puissamment sur le jeune lycéen rétif. Comment Max Ernst, frappé par ce texte où il a vu resurgir ses fantasmes enfantins, lui a consacré une illustration saisissante qui fut sa dernière, avant sa maladie et sa mort. Autant de questions dont les réponses sont à découvrir dans le récit de La Saint-Charlemagne, autobiographie masquée de Robert Lebel. François Di Dio