Par une nuit d’été un voyageur parle, dans un bistrot désert des Halles, à une fille endormie. Il lui dit cette nuit où, saisi de dégoût pour son existence parisienne, il a, en quelques heures, largué ses amarres, abandonné maîtresses, fonctions, appartement, tout. Il lui dit les Cyclades, le caïque sur cette mer jadis fendue par les trirèmes de Darius, la plage en arc de cercle avec ses deux longs bras recouverts de laine blanche, et son arrivée saluée par le cri déchirant de l’âne qui, là-bas, annonce les naissances et les morts. Il lui dit les journées de lourde sieste sous le ruissellement d’un soleil divin et les nuits transformées en cérémonies païennes par la grâce de l’ouzo. Et aussi cette partie de pêche au cours de laquelle une grenade mal dégoupillée lui sauta dans la main. Et puis, encore, la Grèce, et son ami Joseph Delteil dont la phrase radieuse inspire son récit. Il parle, la ville dort, la fille n’écoute pas, elle rêve et bouge dans son sommeil.