Ce n’est pas l’Europe des hauts sommets politiques, ni celle, froide et inhumaine, des projections économiques. La parole a été délibérément laissée à ceux qui ne parlent jamais, ceux qui pourtant feront l’Europe de demain : les jeunes. Tous ces étudiants, rencontrés dans les douze pays de la Communauté durant les mois de tempête qui ont précédé l’ouverture des frontières, imaginent ce que pourra être cet eldorado qu’on leur promet. Tous confient leur peur du chômage, de la criminalité, du sida, et surtout l’incompréhension devant ce monde qui a subitement accéléré depuis que le mur de Berlin est tombé. Mais il y a aussi leur vie quotidienne, leurs fêtes, toutes ces nuits durant lesquelles ils s’éloignent de cette agitation. Car la plupart savent, confusément, que l’Europe est leur seul espoir : les jeunes Britanniques voient leur pays proche de l’explosion sociale, la Grèce sera peut-être à nouveau en guerre demain, l’Italie est brisée, la France, elle, joue toujours la comédie alors que tout y est miné de l’intérieur, l’Allemagne a presque peur de sa toute nouvelle puissance. Et puis il y a les autres, les enfants de ceux qu’on appelle avec mépris les « petits » pays. Eux foncent vers ce Nouveau Monde comme parfois ils lui disent « non » lors d’un référendum. Mais lorsqu’on rencontre ces jeunes dans leurs villes, tous délivrent le même message à la Communauté : qu’elle cesse de s’apparenter à un glacial discours de technicien, qu’elle pense à eux plutôt qu’à ses minables querelles politiques. D’où qu’ils soient, ils ne veulent pas être les enfants de l’oubli.