Si le monde occidental se voit aujourd'hui en crise, c'est, pour une part assez importante, parce que son savoir se trouve dispersé en spécialisations entre lesquelles il n'y a, pour ainsi dire, aucun pont, et surtout parce que, par suite d'un décalage, d'une pesanteur sociologiques, il vit encore, au niveau même de ses disciplines les plus brillantes, sur des interprétations liées exclusivement à une "mono-logique" non-contradictoire de l'identité et de l'unité, dont un Hegel, un Marx, un Bachelard, n'ont pu que commencer à ébranler l'impérialisme. A cet entendement devenu inadéquat, Marc Beigbeder substitue ici une "tri-logique", élaborée et formalisée par Stéphane Lupasco, faite du coupage-antagoniste de la logique de l'identité, de l'inclusion, de l'homogénéisation – dès lors relativisée – et d'une logique inverse de la différenciation, de l'exclusion, de l'hétérogénéisation, qui, dans certaines de leurs équilibrations, en produisent une troisième, symétrisante et particulièrement contradictoire. L'auteur montre comment cet appareil mental transforme le problème de la connaissance et est susceptible d'opérer une nouvelle lecture de nos sciences, de leurs faits, de leurs méthodes, de leurs objets, de leurs problèmes. S'il est vrai que tout – sauf sans doute l'affectivité dans son fond – est réglé, c'est un jeu relationnel chaque fois spécifique entre règles opposées qui définit les mathématiques – ou un certain développement mathématique que l'on prend pour toutes les mathématiques possibles –, la macro-physique, la micro-physique, la biologie (en ses différents niveaux), la cybernétique, la neuro-physiologie, la linguistique, la science de l'esthétique, la science des mythes, l'anthropologie, la sociologie. Le principe de Carnot-Clausius-Gibbs, les notions d'élément et d'ensemble, de déterminisme, de hasard, de liberté, de matière, d'énergie, d'évolution, d'information, d'individu, de groupe, de rêve, d'anormal ou déviant, de psychisme, de culture, de magie, de mystique, etc., s'en trouvent transformés. L'unité scientifique passe, de l'asservissement à un seul principe, à une pluralité, susceptible non seulement de réduire des rétro-actions polluantes, mais d'inciter chaque discipline à des orientations inédites et insoupçonnées. Ce nouvel entendement – où les non-contradictions deviennent les aspects d'une contradiction – permettrait même, comme l'indique l'auteur en finale, une assez radicale réénonciation des problématiques du sens de la vie et de la mort, d'un au-delà, de "Dieu", d'histoire, d'action, de plaisir et de douleur.