S’il fut l’homme trompé le plus célèbre du Grand Siècle, Louis Henry de Pardaillan de Gondrin, marquis de Montespan, suscita la stupéfaction, puis força l’admiration par le panache insolent avec lequel il fit savoir, à la terre entière, qu’il n’acceptait pas le bon plaisir du roi. Montespan et Françoise de Rochechouart de Mortemart s’étaient mariés en 1663. Après lui avoir donné deux enfants, elle passa secrètement, en 1667, dans le lit du Soleil. Trop amoureux pour croire les premières rumeurs qui lui parvinrent, ne soupçonnant pas l’origine des premières faveurs dont il était soudain l’objet – via Louvois – alors qu’il guerroyait dans le Roussillon, il ne découvrit son infortune qu’un an plus tard. Il ne supporta pas ce coup de poignard porté au cœur et à l’honneur. Négligeant les titres, places et revenus qui n’eussent pas manqué de l’inonder s’il se fût montré discret, il multiplia esclandres, menaces, défis, préférant les dettes, les brimades et l’éloignement au déshonneur de la complaisance. Tandis que sa femme était perpétuellement enceinte de Louis XIV, il ne cessait d’ameuter le monde, de provoquer le Soleil, et cela jusque dans un testament daté de 1679 qui, diffusé par son cousin Lauzun, déclencha dans Paris un énorme éclat de rire, et accentua la fureur du roi. “L’époux séparé mais inséparable”, comme il se qualifia, mourut à Toulouse en 1701, six ans avant la marquise qui, depuis 1690, expiait dans la dévotion le plus fameux des adultères. D’autant plus sensible à l’histoire du marquis de Montespan qu’elle lui a succédé dans son château du Gers, Ève Ruggieri, sa première biographe, raconte l’homme et sa vie, avec une verve, un entrain, et un bonheur d’expression, qui servent admirablement la mémoire de l’orgueilleux et irascible Gascon.