Il est incontestable que la liberté d’une nation ne peut être garantie que par un système de sécurité, et qu’il est désormais impossible — à la plupart des nations — d’assurer leur sécurité par leurs propres moyens. Qu’on le veuille ou non, la communauté fait loi, mais elle exige — en contrepartie — une aliénation partielle de la liberté de chacune des nations qui la composent. Les pays de l’Europe « résiduelle » — c’est-à-dire l’Europe non encore recouverte par l’influence soviétique — sont d’autant plus pénétrés de ces vérités fondamentales, qu’ils ont dû subir, à moins d’un quart de siècle de distance, deux guerres mondiales, qui les ont tous laissés pareillement affaiblis, et dans un état de sécurité précaire. Mais alors, entre les deux gigantesques puissances de l’U.R.S.S. et des États-Unis, comment l’Europe ainsi mise en question pourra-t-elle conserver sa personnalité, son indépendance et son autorité ? C’est à ces interrogations que s’efforce de répondre ici le Maréchal Juin, qui fut, on le sait, commandant en chef des Forces alliées Centre Europe, de 1951 à 1956. Sous le titre L’Enlèvement d’Europe, Henri Massis a voulu rassembler — d’une seule vue — les questions qu’il a naguère abordées dans l’Occident et son destin, et les confronter à nouveau avec l’événement. L’Europe, placée entre les deux géants, est sommée de choisir ou le protectorat des États-Unis ou l’hégémonie de l’Union soviétique. Ce dilemme tragique donne une actualité plus urgente que jamais aux problèmes que l’auteur expose. Aussi importe-t-il que ces vues restent dans la circulation des idées, et soient mises ainsi à la portée du grand public.