Ce château-là n’abrite ni seigneurs ni maîtres, mais seulement des hommes et des femmes que les outrages des ans, les assauts de la maladie, l’absence de famille, ont conduits à supporter plutôt qu’à mener - le pire des destins pour des individualistes - une existence collective. Sujets et loyaux serviteurs d’un empire gigantesque, où l’on partageait son temps entre une cour hiératique, les théâtres d’avant-garde, les amours folles et les duels sans merci, les pensionnaires du Soleil couchant connaissent l’ultime embrasement du crépuscule. Avec Sophia, puis avec Liouba, Marina Grey nous avait fait vivre, sous toutes les latitudes, les aventures de cette Saga de l’exil, saluée avec enthousiasme par le public et couronnée par l’Académie française. Cette fois, si les héros sont fatigués, ils demeurent lucides. Ils n’ont pas fini, à l’heure des mains jointes, d’évoquer des faits aussi vrais qu’invraisemblables, tels ceux qu’a consignés dans son journal l’étrange Akim, engagé dans l’armée italienne pour servir contre l’Union soviétique. Au château du Soleil couchant, l’eau a remplacé le vin de Champagne, le peignoir rosâtre où l’on flotte, la robe de cour où l’on étouffait. Le moment n’est plus aux grandes batailles, mais aux combats feutrés. On invente des roses bleues, on nourrit des chats très tendres avec des débris de poulets dont on affirme qu’ils l’étaient moins, on joue aux cartes lorsqu’on ne les tire pas. Pour n’avoir que peu connu la douceur de vivre, on découvre l’art de survivre. En cet automne de la Sainte Russie, reviennent, par bouffées, les brises de son printemps et les orages de son été. Le rêve passe autour de la chambre...