Adulée par Thiers, Carpeaux et Mérimée, cajolée par Rossini, chantée par Gounod, convoitée par Napoléon III et beaucoup d'autres, jalousée par la plupart des femmes, la duchesse Colonna est une somme de contrastes et de contradictions, de qualités nuisibles et de brillants défauts. Dominatrice et possessive, elle veut séduire en femme, et régner en homme.Veuve à vingt ans, sans argent, elle s'installe à Paris, et devient sculpteur sous le nom de Marcello. Mais, dans ce combat sans trêve qu'elle doit mener sur deux fronts, contre les artistes qui ne voient dans cette femme du monde qu'un amateur, contre le monde qui la juge trop "bohème", elle sera perpétuellement aristocrate chez les artistes, et artiste au Faubourg Saint-Germain.Ce dualisme se retrouve dans ses choix politiques, dans ses amitiés, et dans ses amours. Elle se sentira toujours partagée entre son admiration pour Napoléon III, et son attachement à Thiers (qui l'appelle "un tigre d'orgueil"), sa fidélité au Pape et ses sympathies pour ceux qui font l'Italie à ses dépens, son goût de la vie mondaine et son agacement devant la sottise et la frivolité des gens du monde.En amour, elle a tellement l'embarras du choix, qu'elle hésitera toujours à s'engager. Elle aspire au mariage, mais aucun de ses soupirants ne lui paraît réunir - à lui seul - toutes les conditions : artistiques, intellectuelles et mondaines, qui en feraient l'être parfait.La chute du Second Empire marque le début de son désenchantement. Telle une héroïne de Henry James, sans espoir et sans but, elle erre de ville en ville, regrettant Rome lorsqu'elle est à Paris, et Fribourg lorsqu'elle est à Rome. Elle meurt à 43 ans, indifférente à un monde quitté avant qu'elle ne l'abandonne, seulement préoccupée du sort de ses œuvres, de ces bustes frémissants auxquels elle avait donné le mouvement de la vie en leur sacrifiant la sienne. Tout cela apparaît dans l'importante et remarquable correspondance inédite qui émaille cette biographie.Après « Necker », « Madame de Staël » et « La princesse Bibesco », Ghislain de Diesbach nous donne, avec « La duchesse Colonna », un superbe portrait de femme, fait d'ombre et de lumière, à l'instar de son héroïne.