Le corps — lieu d’articulation de l’imaginaire et du symbolique — investit la scène du roman et de la philosophie en France au XVIIIe siècle. Une nouvelle économie du désir dans les rapports entre les sexes émerge, à la faveur d’une nouvelle configuration de la subjectivité. Prenant la représentation cartésienne de la corporéité comme une limite ou un repoussoir, cet essai étudie comment, dans quelques-uns des univers de fiction majeurs de l’époque : La vie de Marianne de Marivaux, La Religieuse de Diderot, Julie ou la Nouvelle Héloïse de Rousseau, Les liaisons dangereuses de Laclos, se mettent en place des rhétoriques du corps. La présence-absence paradoxale du corps, sa dispersion en reflets, la capacité du langage à affronter l’hystérisme du corps, constituent des « écritures » typiques, dont on mesure l’écart variable par rapport à la métaphysique cartésienne. Serait-ce la leçon morale du XVIIIe siècle : l’utopie d’un âge d’or du roman, où nature et culture, éloquence des mots et jouissance, sont réconciliables ?