- Tu ne crois pas que c’est beaucoup pour nous ? Disait ma mère.On a dejà la maison à rembourser et les barres d’appui à faire poser aux fenêtres. - L’année prochaine je gagnerais plus, si tout va bien, répondait mon père. Et puis le grand-père posera les barres. - A son âge ? - Tu sais comment il est ! D’ailleurs, il me l’a proposé... Et on pourra aller à Metz en moins d’une heure. Cet argument fit vibrer la corde sensible de ma mère et elle feuilleta les catalogues avec un regain d’intêrêt. - Pas la D.S., dit-elle, c’est tout de même trop cher pour nous. La Panhard aussi, finalement on choisit la 4 CV, comme Tonton Edmond. Elle arriva un samedi matin, somptueuse, blanche comme neige, presque grande.Le représentant de chez Renault la conduisit au garage où chacun de nous vint l’admirer. Elle sentait bon le plastique neuf. Plus on l’admirait, plus elle était belle. Notre première sortie prit des allures d’expéditions. Il avait fallu préparer des bouteilles d’eau pour la route, des gilets chauds en cas de panne, des mouchoirs en cas de rhume, des biscuits en cas de faim, et des aspros en cas de malaise. Tout fut rangé méthodiquement dans le couloir plus de quinze jours à l’avance. Au jour J, un dimanche, vers neuf heures, nous partîmes tous les cinq direction Metz. Interdit de parler au chauffeur, sauf urgence extrème, interdit de chahuter sur la banquette.