Par-delà l’épisode consulaire et son dénouement impérial, la Ire République s’assigne une place singulière dans l’histoire de la France contemporaine. Sans doute a-t-elle revêtu, de 1792 à 1804, des aspects contradictoires : encore doit-on souligner la continuité logique. L’évolution vers le pouvoir personnel était en germe depuis que la Révolution avait été lancée dans la guerre ; Robespierre l’avait prédit dès janvier 1792. La guerre étrangère et la guerre civile, se perpétuant, et la bourgeoisie rejetant le recours au peuple par crainte de la démocratie sociale, une nécessité inéluctable portait la République des notables au renforcement de l’exécutif. Mais, avec le recul du temps, combien cette dernière paraît éclipsée par la grandeur tragique de la République de l’an II : au regard de l’histoire, la Ire République demeure celle de 93. Malgré l’échec final, la tentative de l’an II a revêtu, depuis cent cinquante ans et plus, une valeur prophétique d’exemple. Fille des lumières, elle apparaît comme un immense effort pour organiser la nation sur des fondements plus rationnels et plus équitables. Mais ce serait mutiler l’histoire que d’oublier que l’enthousiasme et la foi présidèrent aussi à ce douloureux enfantement d’une société nouvelle : ils animaient les combattants du 10 août, ceux de Valmy, de Jemmapes et de Fleury. 93 demeure le symbole des luttes pour la liberté et pour l’indépendance. Ainsi s’explique que se maintient toujours vivant, dans la conscience des hommes de notre siècle, le souvenir de l’Indivisible.