Il s’appelait Antoine Escalin. Il naquit avec le XVIe siècle dans un foyer de paysans misérables du Dauphiné et mourut couvert d’honneurs dans le château splendide qu’il s’était fait bâtir au-dessus de son village natal. Vingt ans simple soldat dans les armées d’Italie, capitaine, ambassadeur à Constantinople auprès de Soliman le Magnifique, général des galères de France, baron, marquis, gentilhomme de la chambre, chevalier des ordres et coqueluche des dames. Disgrâcié une première fois sous Henri Il à la mort de François 1er, emprisonné trois ans à la Conciergerie, rentré en grâce ; disgrâcié une seconde fois, puis une troisième, c’est pourvu de toutes ses charges qu’il disparaît, ses ennemis morts et les jaloux déconfits. Il avait survécu sans s’épargner à la disparition d’une demi-douzaine d’armées, à des duels, à une vingtaine d’engagements navals contre les Impériaux et les Anglais, aux intrigues de la cour des cinq rois qu’il servit, aux guerres de religions, à des amours, à une passion. C’est beaucoup de chance ou beaucoup de vertu. Du Bellay lui a consacré le sonnet 166 des “Regrets”, ce n’est pas le meilleur, mais ce n’est pas rien. Brantôme en parle avec faveur, mais c’est Brantôme. D’autres auteurs, surtout huguenots, en disent beaucoup de mal.