Le langage n’a cessé d’être, depuis l’Antiquité, source de fascination, objet de réflexion et matière de description dans la culture occidentale. C’est par lui, et autour de lui, que se sont mises en place des pratiques rhétoriques, juridiques et didactiques, des théories philosophiques et scientifiques, des institutions sociales et politiques. La dialectique de l’histoire fait, en retour, que l’évolution même des langues – leur diffusion ou leur étiolement, leur promotion ou leur oppression – est déterminée par des conditions sociopolitiques et culturelles engendrées par des pratiques langagières et par l’usage, à des fins multiples, de l’outil qu’est le langage. C’est l’interrogation sur le statut et la fonction du langage qui est au cœur de la réflexion linguistique. Plutôt que de retracer les acquis qui jalonnent l’histoire de la linguistique, cet ouvrage se propose de suivre l’histoire de « la pensée linguistique » : une histoire faite de continuités et de discontinuités, de besoins (éducatifs, religieux, politiques) et d’actes gratuits, de processus de longue durée et de courte durée, de mirages idéologiques et d’un travail de sape critique, mais aussi – et surtout – une histoire qui a sa dynamique propre. De l’Antiquité jusqu’au début du XIXe siècle, au moment où la pensée linguistique s’institutionnalise et devient l’objet de contraintes professionnelles, l’histoire de la pensée linguistique témoigne d’un dépassement constant par rapport à sa détermination contextuelle. L’histoire de la pensée linguistique en Occident est analysée ici, selon une chronologie respectant sa dynamique interne, du point de vue des intérêts sous-tendant l’étude du langage et des langues, du point de vue des approches descriptives et des matériaux langagiers examinés ; le regard historique changeant est orienté par les diverses façons dont on a envisagé l’objet langue.