On a écrit sur l’adoption, certes. Mais on a rarement donné la parole aux adoptés. Il allait de soi qu’ils avaient eu beaucoup de chance, reçu de leurs parents adoptifs tout l’amour sans lequel ils n’auraient peut-être par survécu. Grâce à ces parents adoptifs, ils avaient échappé à la misère ou à la mort. Au pire, ce pire qu’ont vécu parfois les délaissés, les pupilles de l’État, les enfants de l’Assistance publique ou du Bon Pasteur. Mais est-ce si simple ? Fait-on impunément l’impasse sur ce couple fantasmatique qui existe “en amont”, grâce auquel on a vu le jour et qui n’a pas plus de réalité que des fantômes ? Est-il si aisé d’échapper au poids de la gratitude obligée, à la peur de l’abandon recommencé ? Comment se vit l’enfant trouvé, comment vit-il ses rêves, son adaptation au monde ou à la réalité, telle qu’il ne peut l’assumer ? Comment peut-il dépasser le rejet, l’abandon maternel dont il a été l’objet ? Nous avons plongé à deux dans cet univers — parfois déroutant. L’un partant de sa condition d’adopté ; l’autre cherchant à réintroduire, non sans mal, du réel dans ces récits ambigus.