Ma sœur Alexine et moi, nous naquîmes dans une salle d’hôpital, la veille de Noël. Mon père, Félix Dorvenne, exerçait la profession de serrurier. Il gagnait de bonnes journées, lorsqu’il travaillait. Mais il lui plaisait beaucoup mieux de discuter pendant des heures à une table d’estaminet, en sirotant un café ou une inoffensive limonade, car il détestait l’alcool et ne se grisait que de tirades révolutionnaires, d’aspirations véhémentes vers l’âge d’or du prolétariat vainqueur. Et, en attendant que le flot des prospérités se déversât sur la classe ouvrière, Félix Dorvenne laissait manquer les siens du nécessaire. Voilà pourquoi nous vîmes le jour à l’hôpital. Et ce fut par un juron furieux que mon père accueillit la nouvelle.